Avant de mettre pied sur le Caillou, j’ai consulté le site Web du lycée où j’allais enseigner. En arrivant, je devais me rappeler qu’on « ne juge pas un livre à sa couverture », un proverbe qui m'était de plus en plus pertinent lorsque j’entrais, pas à pas, au sein de l’établissement. Certes, en regardant à travers la belle façade du bâtiment, j'ai pu percevoir la vraie réalité d'une organisation qui vise à répondre aux besoins éducatifs des jeunes de diverses origines.
Devant l'entrée du lycée |
Le restaurant du lycée |
Ce qui a marqué mes premiers souvenirs était les conditions de travail différentes de celles auxquelles je m’étais habituée en Nouvelle-Zélande. Entourée de fenêtres cassées, j’enseignais dans les salles de classes dégradées, dont les murs étaient saturés de graffitis des élèves. A mon avis, cette expression « d’art rebelle » montrait leur désir de s’émanciper au niveau personnel et aussi de se revendiquer de leurs origines face à l’autorité française. Même sous mes yeux, des élèves mélanésiens ont osé laisser leurs propres traces avec un stylo, provoquant leurs camarades ainsi que le professeur responsable.
Une salle de classe |
Les graffitis des jeunes |
Bien qu’il soit interdit de transmettre des messages politiques au lycée, les élèves autochtones étaient quelquefois vêtus de vêtements à capuches ou en jean, ou de t-shirts portant les paroles « KANAKY 2014 », le drapeau kanak, Bob Marley ou des symboles néo-zélandais, comme la fougère. De temps en temps, le guerrier corse ou l'ancien guerrier mélanésien infâme, Ataï, apparaissait sur leurs habits aussi. Ce groupe de jeunes ne voulait pas seulement faire entendre leur voix pro-indépendantiste au niveau vestimentaire, mais aussi par leur comportement, qui était plus problématique dans les classes qui se spécialisaient dans les matières techniques. Les élèves wallisiens, vietnamiens et français (les Caldoches ainsi que ceux nés en Métropole) avaient certainement leurs propres idées concernant la situation politique en Nouvelle-Calédonie mais étaient plus discrets pendant les cours.
Une classe en terminale |
A mes yeux, ces élèves de différentes classes sociales et de diverses cultures figurent parmi de nombreux véritables livres vivants, dont le récit se situe dans un pays à la recherche d’une stabilité politique. Dans ce cadre lycéen qui ne représente qu’une petite partie de la société calédonienne, je me suis permis de m’informer de leurs identités culturelles qui semblent bien enracinées dans une société française dominante ou dans une société mélanésienne indépendante. Très peu d’entre eux se considèrent comme issus d’un pays culturellement inclusif. Ceci souligne les conflits interculturels qui existent même entre ces élèves, qui sont parfois d’origines multiples.
Afin de pouvoir profiter de ma position privilégiée comme une personne de l’extérieur ayant la capacité et le temps de lire et de classifier ces livres dans cette bibliothèque vivante, il fallait m’adapter à ce nouvel environnement et me sentir à l’aise dans mon rôle au lycée. En bien m’impliquant auprès des élèves, j’ai essayé d’élargir notre connaissance mutuelle de la situation linguistique en Calédonie, tenant compte de sa riche diversité. Cette découverte du patrimoine linguistique était un sujet qui nous réunissait et était ainsi le point du départ pour franchir le seuil entre les cultures représentées dans la classe.
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