Thursday, 30 June 2011

L'éloge de la langue française...

Dans la bibliothèque de Bernheim à Noumea, une exposition intitulée « Dis-moi 10 mots qui nous relient » a mis en valeur la langue française, citant qu’« elle participe à la cohésion sociale d’un groupe ou d’une collectivité, nous permettant de « faire société » et c’est grâce à son partage, qu’on peut relier les membres d’une même communauté, étant entendu qu’un même individu peut appartenir à plusieurs communautés linguistiques à la fois. » Ma propre expérience en Calédonie donne corps à cette valorisation de la langue française.

On pourrait comparer l’emploi du français sur le « Caillou » à un fil qui parcourt une distance vaste, traversant 28 langues mélanésiennes, dont la multiplicité fait que le français est devenu le moyen de communication privilégié entre les Mélanésiens, car il est répandu dans tout l’ensemble des aires linguistiques.

J'étais témoin de cette cohésion sociale lors d'un rassemblement de tribus différentes en raison du deuil. Les grands chefs ont employé le français pour se faire comprendre entre les locuteurs du drehu, du paici et du nengone. C’est vraiment un lien vital, comme a constaté un élève en seconde dans ma classe. « Moi, je viens de Poindimié et je ne comprends même pas la langue de Touho (sauf les gros mots), qui se parle à une demi-heure de chez moi! Mais grâce au français, on se comprend.»  

En Nouvelle-Calédonie, le français relie aussi de nombreuses cultures différentes, parmi lesquelles les cultures française, mélanésienne, vietnamienne et wallisienne. Les tensions politiques, géographiques, sociales et économiques exercent une pression immense sur cette langue commune. Pour apprécier sa résistance face aux conflits culturels, on n’a qu’à regarder le pays voisin, le Vanuatu, qui, après une trentaine d’années d’indépendance, garde toujours le français parmi ses trois langues officielles. Ce cas illustre la survie du français dans une île isolée du Pacifique qui a subi à une crise politique paralysante.

De nos jours, en Calédonie, il existe de nombreux cas dans les tribus isolées sur la Grande Terre, où, en raison de l’absence du soutien linguistique et de locuteurs français, ce fil linguistique se brise, au détriment de la conservation de la langue française. A Saint-Louis, un nouveau créole s’est développé, étant autrefois une langue française standarde qui a été fortement influencée par plusieurs langues mélanésiennes locales. Ayant passé une journée dans une tribu dans cette région, j’ai entendu ce substrat français, le tayo, qui est parlé par environ 2000 résidents.

On constate donc que de tous côtés, il faut qu’il y ait un fort attachement à cette langue, afin que la corde ne s’entortille pas, mais qu’elle reste intacte, assurant une connexion efficace, qui peut faire circuler la voix, ainsi transmettant les pensées et les sentiments d’une façon fiable. Parfois, pourtant, cette langue véhiculaire, le français, n’arrive pas à parfaitement encapsuler le sens des langues mélanésiennes, qui «par rapport à l’univers physique et mentale mélanésien ont effectivement cette diversité d’approche…(une) finesse qui ne peut tout à fait être reprise ni redonnée complètement à travers du français. [1]»

Les langues ne sont pas ainsi que des outils de communication, mais aussi porteuses du sens et du savoir, dans lesquelles on trouve « des expressions forgées par le temps et l’usage pour signifier certaines réalités sociales, historiques, culturelles, quotidiennes….[2]» Bien dotées de métaphores et « réputées pour la variété et la complexité de leurs systèmes phonologiques[3] », ces langues locales ajoutent une valeur importante à la richesse linguistique de la Nouvelle-Calédonie, une contribution différente de ce qu'apporte la langue française.

Bref, pendant mon séjour en Nouvelle-Calédonie, il m'était évident que le français pénètre quasiment tous les aspects de la vie calédonienne, en tant que langue publique des affaires, des médias (même la seule chaine de radio kanak est diffusée en français) et de l’enseignement. J'étais encore reconnaissante pour l'occasion que j'ai eu d'apprendre cette belle langue au lyceé et à l'université en Nouvelle-Zélande. Cela m'a permis de bien m'intégrer dans le pays voisin le plus proche de la N.Z., un territoire d'Outre-Mer, où le français garde son statut comme langue officielle.

[1] “Langues kanak et Accord de Noumea”, Agence de Développement de la Culture Kanak, Noumea, 2000, Page 22
[2] HOUMBOUY Béniléla, Mwà  Véé, Revue Culturelle Kanak, ADCK, Centre Culturel Tjibaou, Noumea, 1999, Page 48
[3] Cerquiglini, B, Les langues de France, Paris, PUF, 2003, Page 347